Une Renaissance de l’Afrique est-elle possible ?
OUI !Pourquoi ? Comment ?
( En partenariat avec l'association NJEL Yi le Chemin de la connaissance)
- Intervention 1
Professeur Buuba Diop
"Cette question a été soulevée lors de la leçon inaugurale de la chaire que nous avons délivrée le 1er Avril 2022, sur le parvis de la BU de l’UCAD (Université Cheikh Anta Diop de Dakar). Cette question avait été posée par Cheikh Anta Diop, alors étudiant et a fait l’objet d’un article que nous avons exploité dans la leçon inaugurale. J’avais souligné, aussi, que feu notre aîné et aiguillon A. Aly Dieng, à qui du reste Cheikh Anta a dédié un de ses livres (Afrique Noire précoloniale, première édition 1960), nous a poussé à approfondir la réflexion.
Notre collègue Abdarahmane Ngaïdé, rappelle dans son ouvrage (Le doyen Amady Aly Dieng, le transmetteur intégral (1935-1915), Harmattan, Sénégal, 2016) à la page 163 , l’appui généreux de Cheikh Anta Diop à Amadi «Don et contre don». Ils se connaissent bien , tous les deux sont venus de leur Bawol et ont séjourné à des moments différents à Saint-Louis du Sénégal Ndar Géej pour les Wolof
Malgré tout Amadi est resté , selon l’expression du professeur Mamoussé Diagne La torpille socratique africaine et le pédagogogue de la provocation (A. A. Sy. En effet :
Avant de répondre à la question posée par C. Anta et par A. A. Dieng, relevons les autres passages de la leçon dans lesquels d’autres intellectuels ont réactivé la question, en essayant de donner des réponses, ou des ilustrations ou des indications.
Les intellectuels doivent renouer avec le talent de leurs ancêtres qui, comme Sadi au Moyen Age, faisaient la fierté de l'Université de Tombouctou dans les domaines du droit, de la logique, de la dialectique, de la grammaire et de la rhétorique; ils doivent s'inspirer de leurs ancêtres, qui en Egypte pharaonique, étaient, dans certains domaines scientifiques, en avance sur les Européens en général, les Grecs en particulier.
Ce passé de créativité est attesté par les pyramides et les sphynx d’Egypte, les stèles d'Axoum, les ruines de Carthage et de Zimbabwe, les peintures rupestres des San, les bronzes du Bénin, les masques africains, les sculptures makonde, la statuaire shona etc. Il faut mener et gagner le combat idéologique, rejeter les thèses racistes et colonialistes qui refusaient aux Africains l'intelligence, la créativité; on leur concédait juste la force de leurs muscles/comme aujourd'hui des misogynes concèdent aux femmes la capacité de procréation. L'appel est donc lancé pour mettre fin à la fuite des cerveaux et prôner le retour sur la terre d'Afrique de ses mathématiciens, ingénieurs, physiciens, ingénieurs, docteurs, managers, économistes. Alors pourront être relevés les défis qui ont pour noms: ouverture au monde du savoir, intégration dans l'univers de la recherche sur les nouvelles technologies, éducation et information, lutte contre la pauvreté, l’ignorance, les maladies, l'arriération sous toutes ses formes.
Les artistes ont une grande place dans ce combat qu'ils soient musiciens comme les Congolais Zao ou Franco, poètes 'comme le Sud Africain Maziki KUNENE, peintre comme le Mozambicain Malangatene, sculpteur comme Dumile Feni. Ce combat pour la Renaissance doit mobiliser des militants politiques, des entrepreneurs et des femmes d'affaires, des mouvements de jeunes et de femmes, des travailleurs, syndicalistes, des leaders religieux, des artistes...
L'apport de James Africanus Beale Horton. Ce dernier né en 1835 en Sierra Leone, après des études en médecine en Angleterre, a servi dans l'armée britannique en Afrique de l'Ouest.
Ses connaissances en Histoire, en Lettres Classiques et en Anthropologie lui permirent de riposter contre les thèses racistes sur l'infériorité du nègre, mieux la prise en compte des travaux des premiers écrivains chrétiens d'Afrique dans l'Antiquité (Clément. d'Alexandrie, Origène, Tertullien, Saint Augustin) n'a pas manqué de lui inspirer la théorie des cycles historiques. Aucune condition n'est permanente ni immuable, il existe une loi naturelle de l'évolution et de la dissolution; -les civilisations naissent, se développent et tombent en déclin, s'enfoncent dàns la barbarie, puis après un certain temps, renaissent "There was no reason \t'hy the same race that had churches and repositories of learning and science, that governed ancient Egypt and was the terror of no less a city than ancient Rome should not once more stand on its legs" (J .A.B. Horton, West' African Countries and Peop1es ... A Vindication of the African Race 1868, p. 60 cité par P. Olisanwuche Esedebe, op cit p. 22)...
Effectivement on peut espérer le relèvement d'un continent qui a eu ses monuments et ses lettres de noblesses; l'Afrique a produit des œuvres de grande spiritualité et de haute technicité, 'elle a abrité des Etats qui ont organisé la vie des populations dans l'antique Egypte, des Etats qui ont fait trembler Rome ou qui lui ont résisté; au moment ou Rome elle-même faisait trembler le monde (au le siècle avant notre ère) la reine de Meroe a obligé Cesar Auguste à signer un traite de paix dans l'Ile de Samos. Il n'est donc pas condamné ce continent qui a aussi abrité des empires comme celui d'Axoum ; cet Etat battait sa propre monnaie, avait son propre alphabet, rivalisait avec les Perses et les Romains, Byzantins au VIe siècle, juste avant l'hégémonie islamique au Proche Orient. Mais ces Africains du XXe siècle finissant et qui s’apprêtent à entrer dans le 3e millénaire sont ils les mêmes que ceux de l'Antiquité ou ceux du "Moyen Age" ? Ne seraient-ils pas réellement les produits des "Temps obscurs" de l'histoire africaine ?
En 1948, Cheikh Anta DIOP, alors étudiant à Paris avait formulé une question géniale "Quand pourra-t-on parler d'une renaissance africaine" ? (article paru dans la Revue le Musée Vivant, n' spécial 36 - 37, novembre 1948, Paris pp 97 - 65, republié dans Alerte sous les Tropiques, articles de 1946 - 1960 – Culture et Développement en Afrique noire, Présence Africaine, 1990, pp. 33 - 44).
our le savant sénégalais la réalité (culturelle) africaine des années 40 est double : Il ra d'une part "la tradition qui est restée intacte et qui continue de vivoter à l'abri de toute influence moderne, d'autre part une tradition altérée par une contamination européenne". Dans les deux cas on ne peut parler de renaissance. Pour l'auteur la condition préalable d'une vraie renaissance africaine est le développement des langues africaines.
L'auteur qui à l'époque ne semblait pas être informé de la prodigieuse inventivité africaine en matière l'écriture[1], est conscient des difficultés de l'entreprise: multiplicité apparente des langues, acclimations des termes scientifiques et techniques. DIOP est d'avis que l'action qu'il préconise concerne à peine quatre langues importantes, le reste n'étant que des variantes parlées par un petit groupe. Pour lever le défi scientifique, les Africains doivent s'essayer dans les principales langues de leur pays avec toutes les facilités inventives et leur esprit d'initiative. Leur tâche est facilitée par l'apparition de "nouveaux moyens de diffusion de la pensée imprimerie, radio, cinéma. A cause de tous ces nouveaux moyens de diffusion qui sont propres au monde moderne, il y a plus de possibilités de s'instruire, par conséquent plus de possibilités d'action efficace" (article cité, Présence Africaine p. 37). Et DIOP de développer les grandes lignes de la rénovation culturelle qui passe par une véritable révolution de la conscience psychologique.
La création littéraire devrait concerner tous les genres : satires, épitres, poèmes historiques, narrations etc. L'expression plastique doit bannir l'imitation des formes occidentales; la peinture, la sculpture doivent être revigorées et refuser le passéisme. L'architecture africaine millénaire est susceptible d une adaptation nouvelle. La nouvelle musique africaine "doit exprimer le chant de la forêt, la puissance des ténèbres et celle de la nature, la noblesse de la' souffrance, avec toute la dignité humaine" (article' cité p.43).
Cette musique sans cesser d'avoir quelque chose de commun avec le jazz dans le domaine de la sensibilité, aura quand même je ne sais quoi de plus fier, de plus majestueux, de plus complet de plus occulte" (ibidem)...
Kwama NKRUMAH a lui aussi développé le thème de la Renaissance Africaine. Dans son ouvrage. Le consciencisme, qui illustre sa solide formation philosophique, il revient largement sur la Renaissance Européenne, la seconde, celle du XVIe siècle, la première étant celle qui dès l'Antiquité) avait été ouverte par Aristote...
La Renaissance à laquelle pense NKRUMAH passe par la consolidation de l'indépendance, l’instauration d'un socialisme qui cherche à se rattacher au passé égalitaire et humaniste du peuple, qui cherche comment utiliser même les résultats du colonialisme, adaptés dans l'intérêt du peuple (par exemple les méthodes nouvelles de production industrielle et d'organisation économique) ; il cherche à freiner et prévenir les anomalies et inégalités créées par l'habitude capitaliste du colonialisme, il réforme la psychologie du peuple en la purgeant de la mentalité coloniale, "Enfin il défend résolument l'indépendance et la sécurité du peuple. Il reconnaît le caractère créateur de la lutte et même la nécessite, pour toute transformation, de l'intervention de forces. Il comporte aussi le matérialisme et le traduit en termes d 'égalité sociale" (Op. cit, p. 129)...
Cette revue de quelques des jalons du panafricanisme et de l'appel à la Renaissance permet de constater qu'il y a eu, dans l'effet de théorisation, non seulement des aspects politiques, idéologiques, culturels, scientifiques, technologiques, économiques, mais aussi des angles d'attaque particuliers suivant que la formulation venait d'un militant hors (C. Anta DIOP) ou à l'intérieur des structures d'Etat; les différences des positions et de focalisations (NKRUMAH, NASSER) sont à tenir en compte pour saisir les contre points dans le débat sur la Renaissance.
En ce qu nous concerne, la préparation à l’exercice a commencé dès la réflexion sur le logo de la chaire et les échanges avec mes complices artistes (Ousmane Ndongo surtout, un des membres d’ANAFA/PAALAE). Ils nous ont permis de revisiter mythes et légendes africaines, voire universelles, nourries par les observations de l’humain sur les mouvements permanents des astres, des saisons (voir archives iconographiques de la chaire sur le site de la chaire ), mieux les soupçons de mutations, voire, destructions, recréations, de passage du chaos au cosmos nous ont inspiré. Dans l’avant propos de son livre sur Cosmos and Chaos, N. Cohn, souligne
[1] Lui même dit "l'étude des langues a un intérêt historique d'autant plus important que nous ne connaissons pas jusqu'ici d'écriture ancienne" (article cité, Présence Africaine, 1990 p. 36). Quand l'auteur s'est approprié le thème de l'Egypte nègre, les données ont changé. il s'y ajoute que les découvertes concernant les écritures punique, méroétique, axoumite, sans parler des écritures turcs modernes permettent de dire que l'Afrique n été aussi productrice de sysrèll1cs originaux d'écriture, de communication pour tout dire (cf.à ce propos S. Battestini, Ecriture et Texte, Contribution africaine, les Presses de l'Université de Laval. Présence Africaine, 1997)
Theophile Obenga systématise et récapitule (cf La philosophie africaine , p. 193-195)
Lewis Spencer (Ancient Egyptian myths and legends) a relevé le destin particulier de la déesse Isis, non seulement en Egypte ancienne, mais aussi dans le pourtour méditerranéen et dans l’ancien monde en généralAinsi donc observation des phénomènes de la nature, aspirations au mieux être, souhait d’échapper aux désastres, on fait le lit de theories sur la possibilité d’une renaissance. N. Cohn conclut son livre en montrant les quelques invariants dans les réflexions humaines
Par la suite, je me suis rabattu sur le paysage champêtre, agricole. Je me suis rappelé le nombre d’arbres brûlés et/ou considérés comme morts, dont les feuilles ont repoussé à partir d’un certain temps. Mieux un des membres de notre association ANAFA, Raymond Ndong, m’a offert un exemplaire de son livre sur Djilor son village natal, celui aussi du Léopold Sédar Senghor. Il a relevé le fait suivant :Kwado Fernand Dobat – Chauleau, dans son livre : L’Afrique Noire, berceau de l’Humanité et de la chirurgie, editions Any Jart, Gua deloupe, 2019, fait des développements intéressants
On aura l’occasion, la possibilité, l’opportunité de revenir sur la métempsychose, l’errance des âmes, le mystère des revenants
LA renaissance dont nous rêvons , à laquelle on veut œuvrer est celle qui doit permettre de réaliser, retrouver les Maat, les équilibres sécuritaires, politiques, économiques, sociaux, culturels (voir annexes : textes d’Obenga, Senghor, Saar O-Maad).
Dans les séminaires, conférences et/ou tables rondes en présentiel et/ou webinaires consacrés à notre module 1, nos spécialistes d’ici et d’ailleurs nous aideront à identifier les nouvelles et pertinentes observations, analyses, les bonnes pratiques en matière de créativité, de rénovation, de réformes, de renouvellement de pensées et d’actions.
Ces rêves ont été parfois réalisés, en partie ou au delà des espérances. Pour cela il a fallu des acteurs et actrices, des circonstances favorables. Un fois les rêves réalisés, restent les défis de la consolidation, de la durabilité, du progrès, mais aussi les risques émergents, les menaces nouvelles, qui, parfois font émerger de nouvelles forces qui peuvent surfer sur les acquis ou les détruire. Telles sont les dynamiques observables en histoire que nous aurons l’occasion d’exposer dans le module 2 (Renaissance en Afrique Ancienne en Europe, en Orient sous quelles formes, quelles manifestations, avec quelles idéologies et quels impacts.
En attendant retenons avec Khady Jah in Art rupestre et contemporainéité (livre I, p. 54)
Colloque de Yamoussoukro
La Renaissance Africaine pour la libération, le développement, la paix durables en Afrique: Dialogue des générations des genres, des espaces
I / Renaissance et Education
Dans un ouvrage bien documenté, illustré avec des témoignages pertinents sur l’intéressante histoire de l’Ecole William Ponty qui a formé un certain nombre de cadres, intellectuels africains de l’espace francophone à l’époque coloniale et postcoloniale, nous avons pu relever un titre qui peut nous servir d’introduction
«Le samedi 8 décembre 1951 en fin d’après midi j’arrivai à Ponty en compagnie de mon inséparable ami Amadou Alassane Bousso . Ce que je découvris alors était simple merveilleux.
Une sorte de village de vacances avec une belle végétation composée d’arbres, notamment de manguiers et de toutes sortes de plantes ornementales, le tout procurant une indicible sensation de fraîcheur et de sérénité.
Le 14 janvier 1954, ce fut le tour du gouverneur Général de l’AOF lui-même, BERNARD CORNUT-GENTILLE de visiter l’école.
Mais Ponty, c’était surtout un esprit, une manière toute particulière d’être et de vivre. C’était d’abord concentrée dans un espace de quelques hectares, toute l’Afrique Occidentale Française car ils étaient tous là, Sénégalais, Mauritaniens, Guinéens, Soudanais, Ivoiriens, Dahoméens, Nigériens, Voltaïques fraternellement unis et s’enrichissant de leurs différences dans une sorte de merveilleuse osmose.
Ponty c’était le culte du travail bien fait, de la précision et de la rigueur, le culte de l’excellence sous la conduite ferme et vigilante de maître d’une bienveillante exigence. Ponty c’était enfin l’éducation à la liberté car c’est à Ponty que nous avons appris, que moi personnellement j’ai surtout appris à être véritablement libre, c’est-à-dire à assumer les contraintes de la liberté.
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